Icone de la théophanie
L'icône de l'Epiphanie représente symboliquement le baptême du Christ au Jourdain, et illustre également certains textes scripturaires concernant le rôle de l'eau comme instrument et de la création du monde, et du salut de l'humanité.
Traversant la croûte terrestre, le Christ pénètre dans un "tombeau liquide", ce trou noir, lieu du "schéol" ou séjour des morts. Son baptême est essentiellement un passage dans la mort et la résurrection, comme le sera, à sa suite, notre propre baptême, ainsi que l'explique saint Paul : "Nous avons donc été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie " (Rom. 6/4). De plus, l'entrée du Christ dans le Jourdain a déclenché une véritable Pentecôte personnelle, la première manifestation du Dieu trinitaire.
"Dans ton baptême au Jourdain, Seigneur, s'est manifestée l'adoration de la Trinité... "
On peut faire, de l'icône, d'abord une lecture verticale : la déchirure du ciel, toujours en arc de cercle, annonce le mouvement théophanique, la présence du Père qui désigne le Fils ("Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toute mon affection", Mat. 3/18), et laisse filtrer le triple rayon, avec la colombe à mi-course, porteuse de l'amour du Père envers le Fils, comme de l'amour du Fils envers le Père. La colombe nous reporte au début de la Genèse, où l'Esprit se mouvait sur les eaux à l'aube de la création, tout comme ici, elle descend à l'aube de la création d'une humanité nouvelle.
Le baptême a des répercussions cosmiques : " Le Christ est baptisé ; il sort de l'eau, et avec lui il relève le monde " (hymne liturgique). Ce jour-là, se fait dans l'Eglise la grande bénédiction des eaux : mer, rivières, lacs, sans parler de l'eau que les fidèles emporteront chez eux pour la consommer à des occasions particulières.
Une lecture horizontale de l'icône est également possible. Elle part de la tête de saint Jean, qui résume à lui seul la présence de l'humanité. Le " dernier des prophètes " dut se faire violence (Mat. 3/14) pour accepter de baptiser celui dont il n'était pas digne de délier la courroie des souliers. A droite, le monde céleste et angélique, les trois anges aux mains voilées en signe d'adoration. Au milieu, enfin, le Christ, qui, d'un geste, bénit l'univers aquatique, au point de croisement, sur un plan horizontal, des mondes humain et angélique, et, vertical, du ciel, de la terre et de l'enfer. Tous les éléments de la création sont ainsi rassemblés, réunis, en vue de l'œuvre du salut.
D'après " Lumière d'Orient " Michel Evdokimov, Ed. Droguet et Ardant, Paris 1981